Il est fréquent de passer par des périodes de forte activité durant laquelle notre sommeil se trouve ponctuellement affecté. Mais de nombreux dirigeants ont l'impression permanente de mal dormir ou de ne pas dormir assez. Essayons d'identifier ensemble les pathologies associées au trouble du sommeil et comprendre quand il est nécessaire de consulter un professionnel de santé.
Les troubles du sommeil, fléau des sociétés modernes
Les pathologies liées au sommeil rassemblent à la fois des troubles spécifiques du rythme du sommeil et des affections d’origines diverses qui se manifestent lors du sommeil :
Les insomnies
Il n’existe pas une, mais des insomnies : certaines sont ponctuelles, d’autres chroniques. Certaines sont caractérisées par des difficultés d’endormissement, d’autres par des réveils nocturnes ou par une sensation de sommeil non récupérateur. Elles se distinguent également par la nature de leurs facteurs déclenchants : facteurs cognitifs ou somatiques internes, ou facteurs extérieurs perturbant le déclenchement ou le maintien du sommeil (hygiène de vie, lumière, utilisation tardive d’écrans ou pratique tardive du sport, prise de certains médicaments…).
Les hypersomnies et narcolepsie
L’hypersomnie se caractérise par un besoin excessif de sommeil et des épisodes de somnolence excessive durant la journée, malgré une durée de sommeil normale ou élevée. C’est un symptôme qui touche plus de 5% de la population adulte. Parmi les différents types d’hypersomnie, la narcolepsie, encore appelée maladie de Gélineau, est un trouble de l’éveil rare qui touche 0,026 % de la population et se déclenche essentiellement chez les adolescents et les jeunes adultes. Cette maladie sévère, d’origine auto-immune probable, se manifeste par des accès brutaux et irrépressibles de sommeil au cours de la journée. S’y ajoutent des hallucinations (rêves éveillés) et des attaques de cataplexie au cours desquelles un relâchement musculaire brusque survient.
Les troubles du rythme circadien
Ces troubles surviennent suite au dérèglement de notre horloge biologique. Ceux qui n’ont pas sommeil avant une heure avancée de la nuit présentent un retard de phase, tandis que ceux qui souffrent d’un syndrome d’avance de phase ont des difficultés à rester éveillées au-delà de 19h. Il peut exister des troubles épisodiques, liés par exemple à un décalage horaire. Mais d’autres sont spécifiques, comme le syndrome hyper-nycthéméral, touchant les personnes aveugles qui ne perçoivent pas l’alternance veille-sommeil. Généralement, ces personnes ont un rythme circadien voisin de 25 heures, au lieu des 24 heures habituelles. Dans tous les cas, ces troubles sont liés à la perturbation de la chronobiologie et peuvent, en conséquence, engendrer des répercussions somatiques diverses.
L’apnée obstructive du sommeil
L’apnée du sommeil est un trouble respiratoire dont la fréquence augmente avec l’âge, le surpoids et, a fortiori, l’obésité. Durant la nuit, de courtes apnées (de quelques millisecondes à quelques secondes) surviennent en raison de l’obstruction de la gorge par la langue et par le relâchement des muscles du pharynx. Elles aggravent à terme le risque cardiovasculaire et favorisent, de par les micro-éveils qu’elles induisent, une fatigue et une somnolence diurne.
Les parasomnies
Les parasomnies correspondent à un ensemble de phénomènes anormaux se produisant lors de la phase de sommeil lent profond ou lors du sommeil paradoxal.
Au cours du sommeil lent profond, les parasomnies les plus fréquentes sont le somnambulisme, le bruxisme (grincement des dents), la somniloquie (paroles), les terreurs nocturnes (fréquentes chez les enfants, à cheval entre le somnambulisme et la somniloquie) ou l’énurésie (pipi au lit). Au cours du sommeil paradoxal, il s’agit de mouvements violents (Trouble du comportement en sommeil paradoxal, TCSP), de bruits non articulés produits par le dormeur (catathrénie) ou de comportements sexuels inconscients (sexsomnies).
Les parasomnies ont parfois une composante génétique, mais elles sont le plus souvent favorisées par des éléments extérieurs qui perturbent l’organisation normale du sommeil (intensité, durée et articulation des phases de sommeil) : maladie neurodégénérative, stress, fièvre, certains médicaments… Les sexsomnies seraient par exemple favorisées par le traitement dopaminergique des sujets parkinsoniens.
Le syndrome des jambes sans repos
Le syndrome des jambes sans repos (SJRS ou maladie de Willis-Ekbom) est caractérisé par un besoin irrépressible de bouger les jambes, associé à (ou provoqué) par des sensations désagréables au niveau des membres inférieurs : on parle parfois d’« impatiences ». Ces symptômes, qui se manifestent habituellement pendant les périodes de repos ou d’inactivité, s’intensifient en soirée et au cours de la nuit. Ils perturbent l’endormissement et, dans les cas les plus sévères, entraînent des perturbations marquées du sommeil (désorganisation et fragmentation du sommeil).
Le mécanisme de la maladie n’est pas encore élucidé, mais il implique vraisemblablement une dysfonction du système dopaminergique. Certaines formes de SJSR seraient secondaires à une insuffisance rénale chronique terminale, une grossesse, une carence en fer ou à la prise de certains médicaments (antihistaminiques, neuroleptiques, antidépresseurs...). Plusieurs gènes de prédisposition, dont l’expression modifie la transmission dopaminergique, ont également été identifiés.
Les facteurs qui perturbent notre sommeil
Quelle est la fréquence des troubles du sommeil ? Comment et pourquoi évolue-t-elle ? Quelle est son impact en termes épidémiologiques ou individuels ? Toutes ces questions font l’objet de nombreux travaux scientifiques qui passent au crible tous les facteurs de vie quotidienne déterminants pour la qualité du sommeil : rythmes de vie personnelle, scolaire ou professionnelle, l’influence de l’alimentation, usage des nouvelles technologies dont la lumière désorganise nos nuits… Ces travaux peuvent apporter des informations utiles en termes de santé publique et de santé individuelle, mais aussi des informations permettant d’améliorer les connaissances et la prévention en accidentologie (route, domestique…) ou en médecine du travail.
Les déterminants non modifiables impliqués dans le sommeil font également partie des axes les plus prometteurs : les études de criblage génétique permettent d’identifier des déterminants génétiques impliqués dans la diversité des profils de dormeurs.
Les conséquences sur notre santé
En matière de mémorisation, les données expérimentales ont pour l’heure des difficultés à distinguer le rôle spécifique de chacune des phases de sommeil sur ce processus. Si le sommeil lent semble bien impliqué dans les processus de mémorisation, le sommeil paradoxal ne serait pas en reste : en effet, il constitue la majeure partie du temps de sommeil des nouveau-nés et des enfants en bas âge. Et le perturber ou le supprimer engendre des troubles de l’architecture cérébrale chez le rat. De plus en plus de données permettent donc aujourd’hui de lui attribuer un rôle grandissant dans certains processus de mémorisation, et notamment ceux de la mémoire déclarative ou consciente.
Parallèlement, des études ont pointé un lien entre troubles du sommeil et altération des capacités cognitives, via une présence accrue de plaques séniles à l’imagerie. Le lien entre le sommeil et la capacité à évacuer les toxines du tissu cérébral a été ainsi démontré. Toutefois, une meilleure compréhension des mécanismes impliqués est aujourd’hui nécessaire. Elle permettra notamment de déterminer si les troubles cognitifs sont liés aux troubles du sommeil, ou si ce sont ces derniers qui favorisent à terme le déclin cognitif. Un problème d’œuf et de poule en somme, qui n’est d’ailleurs pas unique.
Les données épidémiologiques suggèrent aussi un lien entre sommeil et dépression : les troubles du sommeil rendent-ils les personnes vulnérables au risque de dépression ou bien la dépression influence-t-elle la qualité du sommeil ? De même, des observations épidémiologiques montrent un risque accru d’hypertension artérielle, d’hypercholestérolémie, ou d’évènements cardiovasculaires (AVC, coronaropathies) chez les personnes présentant une mauvaise qualité de sommeil. Ces observations font aujourd’hui l’objet de recherches qui permettront de mieux en comprendre les mécanismes.
De la même façon, différentes études ont pointé les liens entre sommeil et immunité. Au-delà de la compréhension du rôle du sommeil dans notre vulnérabilité aux infections, les mécanismes qui seront identifiés pourront probablement aider à comprendre l’augmentation de la fréquence des cancers chez les travailleurs de nuit : le sur-risque de cancers du sein, de la prostate ou du côlon pourraient non seulement être liés à une immunité moins performante, mais aussi à une désynchronisation du rythme circadien, qui influence certaines voies de signalisation moléculaires.
Quand consulter un médecin ?
Il est possible de mal dormir pendant un temps, sans conséquence grave. Si vous avez adopté une bonne hygiène de sommeil mais que le problème persiste, parlez-en à votre médecin traitant.
Il est particulièrement important de consulter quand les perturbations du sommeil ont un impact sur la journée :
- fatigue dès le matin
- somnolence dans la journée
- troubles de la concentration, de l'attention et de la mémoire.
Le réseau Morphée vous propose un test qui vous permet de mieux connaître votre sommeil. Rendez-vous sur la page Testez votre sommeil du site reseau-morphee.fr.
Le diagnostic de l'insomnie
Le médecin traitant établit le diagnostic en vous interrogeant sur votre sommeil :
- Avez-vous des difficultés d’endormissement, des réveils nocturnes souvent accompagnés d'idées noires, des réveils précoces ?
- Depuis quand avez-vous des insomnies et à quelle fréquence ?
- Vos insomnies ont-elles des répercussions sur vos activités de la journée ?
- Quel est votre rythme de vie et de travail ?
- Comment organisez-vous votre sommeil ?
- Prenez-vous des excitants ?
- Souffrez-vous de troubles psychiques (troubles anxieux, dépression) ?
Le médecin recherche d'autres troubles du sommeil :
- Avez-vous des mouvements anormaux des jambes survenant au cours du sommeil vous obligeant à vous lever plusieurs fois par nuit ?
- Ronflez-vous et faites-vous des pauses respiratoires dans la nuit ?
Il peut vous demander de tenir pendant trois ou quatre semaines un Agenda de vigilance et de sommeil (PDF), disponible sur le site reseau-morphee.fr, sur lequel doivent être notés les heures de coucher et de lever, le nombre de réveils, ainsi que la perception de chaque nuit (bonne ou peu réparatrice, etc.).
Que dire à son médecin pour l’aider à identifier la nature de l’insomnie ?
Pour aider le médecin à identifier la nature d’un trouble du sommeil, il faut lui préciser :
- depuis combien de temps cela dure
- le type de troubles du sommeil (difficultés d'endormissement, réveils nocturnes et précoces)
- combien de fois cela se produit par semaine
- si c'est en rapport avec un événement particulier (familial, professionnel)
- s'il y a des répercussions (fatigue au réveil, endormissements durant la journée)
- ce qui a été tenté pour enrayer le problème (relaxation, arrêt du café...)
Le médecin traitant peut vous adresser à un médecin neurologue ou à un centre du sommeil :
- si l'insomnie s'aggrave ou ne s'améliore pas après une première prise en charge
- s'il suspecte un syndrome d'apnées obstructives du sommeil ou un syndrome des jambes sans repos.
Quels examens peuvent-ils être réalisés ?
Un enregistrement du sommeil (polysomnographie) peut être demandé. C'est un enregistrement du sommeil réalisé soit sur une nuit, soit sur une nuit et une journée. Il peut se faire à domicile ou durant une hospitalisation nocturne.
Cet examen permet d'obtenir un enregistrement de plusieurs paramètres, obtenu à l'aide d'électrodes placées au niveau du crâne et de différentes parties du corps. Il étudie :
- l'activité cérébrale (par électro-encéphalogramme),
- l’activité musculaire (électromyogramme),
- les mouvements oculaires (électro-oculogramme).
Simultanément, les rythmes cardiaque et respiratoire, ainsi que les mouvements des jambes, sont enregistrés afin de caractériser certains troubles ou certaines maladies nocturnes. Ces données vont permettre de suivre et d'identifier les différentes phases du sommeil et sa qualité : microréveils, sommeil perturbé et fragmenté, présence de pauses respiratoires, mouvements périodiques des membres inférieurs...
D'autres examens peuvent également être pratiqués, comme un enregistrement global des mouvements ou actimétrie. L'actimétrie, qui enregistre les mouvements corporels grâce à un actimètre (petit appareil de la taille d'une montre) porté au poignet non dominant, permet de caractériser les alternances veille-sommeil au cours de la journée. Cet enregistrement, effectué sur plusieurs jours, n'est pas remboursé par l'Assurance Maladie.
Pour aller plus loin
Réseau Morphée
Podcast
Bibiliographie scientifique



Rappel : en cas de malaise ou de maladie, consultez d’abord un médecin ou un professionnel de la santé en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.