Compte tenu de ses enjeux, la levée de fonds peut s’avérer longue avec une durée moyenne allant de 6 mois à plus d'1 an. Avant de s’y engager, il est important d’avoir une bonne connaissance des différentes étapes qu’elle implique.
Pour réaliser une levée de fonds, il faut suivre une procédure spécifique, méthodique et rigoureuse, qui se décline principalement en 3 grandes étapes :
- Préparation des documents et du pitch : 3 mois
- Rencontres et échanges sur le projet : 3 à 6 mois
- Négociations et finalisation de l'opération : 3 à 5 mois
La préparation
Convaincre des investisseurs de financer votre projet ne s’improvise pas. Avant de les contacter, il est donc important de se préparer.
Les prérequis sont les suivants :
- Mettre son site Web à jour
- Identifier les experts qui vous accompagneront (éventuellement un leveur de fonds). Les chefs d’entreprise ayant vécu une levée de fonds sont souvent de bon conseil. Ils ont l’avantage d’être désintéressés dans votre levée de fonds
- Rédiger et préparer les différents documents de la levée :
- Executive summary : résumé du dossier, qui sert à présenter le projet et permet aux investisseurs d’évaluer la faisabilité, la crédibilité, et le potentiel du projet
- Diaporama de présentation orale ou « slide show » ou « pitch deck » : vous devez l’avoir préparé et testé oralement auprès d’un maximum de personnes «compétentes»
- Business plan : présentation détaillée du projet et tableaux d’états financiers
- Documents annexes pour la due diligence - Avoir une démonstration de l’offre
- Disposer de références clients pouvant être contactés
- Estimer la valorisation de l’entreprise
Ces éléments doivent vous permettre à la fois de rassurer les investisseurs et de leur donner envie de vous suivre.
Le ciblage des investisseurs et la phase d'approche
Lorsque vous avez ces pré-requis, vous pouvez aller à la rencontre des investisseurs. Pour cela, plusieurs étapes à suivre :
Établir une liste des investisseurs cibles à contacter : sélectionner les investisseurs en fonction de leurs critères et du stade de développement de l’entreprise. Cela nécessite une investigation pour connaître les secteurs d’intérêt, les stades de maturité des entreprises dans lesquels ils investissent (cf. Fiche 6),
Envoyer l’executive summary aux investisseurs sélectionnés, puis le business plan à ceux qui manifestent un intérêt (Attention : la signature d’un accord de confidentialité ne doit pas être une étape bloquante pour vous)
Participer à des évènements de présentation de projets devant des investisseurs,
Organiser des réunions individuelles avec les investisseurs qui souhaitent approfondir. Le premier rendez-vous est souvent décisif. Un expert peut vous aider à franchir cette première étape éliminatoire. Avoir une première réponse de l’investisseur est relativement rapide; cela nécessite entre quinze jours et un mois. Si celui-ci est positif et après plusieurs rdv d’approfondissement, vous entrez dans une phase plus longue d’analyse, d’étude de projet et de due diligence.
L’analyse du projet et de la due diligence
Lorsque vous êtes parvenus à un accord préalable sur les grandes lignes de l’investissement, l’investisseur commence la « due diligence ». Elle commence avant que vous ne soyez parvenus à un accord définitif et en général avant que l’investisseur n’ait signé une lettre d’intention, appelée aussi «Term Sheet» en anglais.
La due diligence consiste pour l’investisseur à faire des vérifications pour :
• Valider la rentabilité estimée en cas de réussite (notamment sur l’équipe dirigeante, le potentiel du projet, l’étude du secteur),
• Identifier les risques associés à l’investissement.
Au cours de l’étude du dossier, tous les domaines sont passés au crible : juridique, financier, propriété industrielle, marché, produits et équipe. Clients et fournisseurs peuvent aussi être sollicités. Les investisseurs vont « creuser » tous les aspects de l’entreprise, vérifier qu’il n’y a pas de « loup », que ce que vous avez dit lors des présentations ou dans vos documents est exact…
Les risques qui seront évalués sont :
-La dépendance vis-à-vis des hommes clés,
-Les risques technologiques,
-Les risques liés à la protection industrielle,
-Les risques environnementaux,
-Les risques commerciaux,
-Les risques juridiques, sociaux et fiscaux,
-Les risques financiers : audit comptable des éléments financiers (bilan…).
La durée de la due diligence dépend du type de situation rencontrée (en général comprise entre un et plusieurs mois). Généralement, elle se décompose en une première phase d’étude de projet «léger », au cours de laquelle l’investisseur vérifie par lui-même un certain nombre de points généraux, et une phase « plus lourde » pour laquelle il peut mandater des conseils spécialisés pour valider des points précis.
Cette phase plus lourde peut être réduite dans le cas de levées de fonds modestes, au vu des coûts associés à ces audits.
Sachez que cette phase permet également à l’investisseur d’apprendre à vous connaître en travaillant avec vous. De votre côté, profitez-en aussi pour valider votre « affectio societatis » avec lui (l’ « affectio societatis », c’est le « bon feeling » que l’on ressent quand on travaille avec l’autre, c’est l’envie de collaborer avec lui sur la durée).
Cette phase est jalonnée par des passages en comité, qui valident le passage à l’étape suivante. Le nombre de comités successifs varient selon les structures, mais ils sont généralement de deux types :
-Un premier comité de sélection interne,
-Puis un comité d’engagement constitué par les souscripteurs de l’investisseur.
La lettre d'intention
En cas de décision favorable de poursuivre et entrer dans des négociations plus fines, l’investisseur rédige une lettre d’intention (ou « Term Sheet »).
Ce document précise les conditions de son éventuelle intervention : valorisation de l’entreprise, conditions financières, conditions juridiques et principales clauses qui se trouveront dans le pacte d’actionnaires… Si vous acceptez de contre-signer ce document, une nouvelle négociation démarre pour finaliser la valorisation et rédiger le pacte.
Le « lead investor » (ou investisseur leader) est, dans le cas où vous avez plusieurs investisseurs au tour de table, celui qui va orchestrer les discussions. C’est souvent soit le plus organisé, soit celui qui investit le montant le plus élevé, soit celui qui accepte de prendre position en premier pour déclencher l’intérêt des autres.
Les négociations financières
Les négociations financières concernent plusieurs aspects :
• La valorisation. Il existe des méthodes plus ou moins complexes pour le calcul de cette valorisation. Vous pouvez vous faire accompagner, mais la valorisation finale est avant tout la résultante d’une négociation (selon la loi de l’offre et la demande…). Elle impactera la dilution des actionnaires historiques et est donc une étape très importante.
• La table de capitalisation et d’évolution du capital, avec de possibles mécanismes de réajustement de la valeur, ainsi que les systèmes incitatifs pour les salariés.
• Les conditions de sortie des investisseurs.
Les négociations juridiques
L’entrée d’investisseurs au capital s’accompagne également de négociations juridiques sur :
• La modification des statuts de la société,
• La rédaction du pacte d’associés/d’actionnaires.
Le pacte est le document qui régit la vie des futurs associés (cas d’une SAS) ou actionnaires (cas d’une SA). Son objectif est de prévoir un maximum de situations de la vie de l’entreprise, et l’enjeu est de trouver un équilibre entre la défense des droits des investisseurs, la défense des droits des actionnaires historiques, et les intérêts de la société. Cette étape de négociation peut également être assez longue.
Le closing
Le « closing » concerne le moment où le financement est réalisé par l’investisseur. Il se fait à l’occasion d’une assemblée générale extraordinaire qu’il faut réunir, et lors de laquelle le pacte d’actionnaires est signé. Au préalable, vous devez ouvrir un compte bancaire d’augmentation de capital. La préparation de ce closing nécessite des délais juridiques incompressibles (de 15 jours à 3 semaines notamment de convocation, et souvent d’intervention d’un commissaire aux comptes).
Les étapes ultérieures
Suite à la levée de fonds, les investisseurs deviennent associés/actionnaires de la société. À ce titre, ils participent aux assemblées générales de l’entreprise, et disposent des droits prévus par les statuts et le pacte.
La collaboration s’achève lors de la sortie des investisseurs, par revente partielle (vente des parts/actions des investisseurs) ou totale de l’entreprise (en cas de cession industrielle, la vente doit en général être totale, ce qui vous oblige à vendre vos parts/actions).
En résumé
La levée de fonds est un processus très codifié, qui s’organise en phases successives bien établies, pouvant chacune durer plus longtemps, de votre fait ou du fait de l’investisseur.
Les fonds d’investissement passent un temps important à gérer leurs participations, et à analyser plusieurs projets en parallèle pour un investissement. Ils sont très sollicités et ne peuvent accorder que peu de temps à chaque dossier, ce qui amplifie la durée de finalisation d’une levée de fonds. Les négociations peuvent être d’autant plus longues que vous avez plusieurs investisseurs autour de la table, avec des intérêts et des contraintes différents à concilier. Il est donc important d’anticiper ces délais de réalisation, et de préparer au mieux la levée de fonds, de façon à réduire toutes les étapes qui dépendent de votre préparation.
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