Mael Bosson est le dirigeant et co-fondateur de eBikeLabs, une entreprise grenobloise qui apporte des nouvelles solutions logicielles et IA embarquées à la filière de la mobilité électrique légère afin d’en catalyser le développement. Il nous partage son expérience, son rapport à l’ambition et nous explique l'importance du sport dans sa vie dirigeant.
Le développement d’une entreprise n’est pas un processus linéaire
"eBikeLabs a commencé en 2015 avec une conviction : ”le software c’est très important pour développer l’usage du vélo”. On a alors travaillé sur de nombreux projets liés à la pratique du vélo. On a par exemple développé une application de navigation communautaire. Le produit était vraiment bien avec 15000 membres mais dur à monétiser. On l’a alors arrêté, on a eu le courage de cette décision car on a préféré allouer les ressources sur d’autres projets à fort potentiel sur le long terme plutôt que de chercher à valoriser à tout prix ce que l’on a déjà fait. Si le processus de création de valeur avec ce produit a été un échec, il nous a permis de largement nous faire connaître.
Rendre réel une conviction, c’est dur et cela comporte de nombreuses étapes et des prises de risque. Chaque année, on a cru que l’année prochaine, on allait décrocher un super contrat. Mais bien faire les choses et bien comprendre une industrie cela prend du temps. On s‘est tout d’abord rendu compte que, l’on aurait trop de difficultés à développer un avantage concurrentiel sur notre activité hardware. On a mis plusieurs années avant de réellement comprendre que ce qui intéresse tout le marché, c’est notre software de contrôleur eBikeOS et nos brevets implémentés. En 2020, on a alors pris la décision de couper toutes nos activités, y compris des activités niches lucratives, pour se concentrer sur notre ambition de devenir un software standard avec eBikeOS, pour devenir un Android du vélo.
En 2015, j’étais incapable de savoir que c’est ce qu’il fallait faire. On a fini par comprendre ce que voulait dire cette conviction “le software c’est très important dans le vélo”.
Il n’y a pas qu’un seul modèle dans la recherche de financement
On a eu 5 millions d’euros de financement mais sur 8 ans pas sur 2 ans. Avec le recul, lever trop, trop vite, cela comportait un vrai risque pour moi d’être complètement hors sol. En 2019, je cherchais 2,5 millions d’euros et heureusement je n’ai pas réussi à lever cette somme. Avec la stratégie de l’époque trop opportuniste, je pense que je serais allé dans le mur.
Aujourd’hui, chez eBikeLabs, on a un modèle scalable mais il a été très long à mettre en place entre les phases de R&D, le temps de séduire les partenaires clefs et les premiers clients. Ce qui est paradoxal, c’est qu’avec le temps, avec l’expérience, je crois de plus en plus à notre modèle de scale-up alors que dans l’écosystème, on a tendance à penser que plus tu mets du temps, moins tu vas y arriver.
On a finalement fait le choix de diversifier les modes de financement en gagnant une subvention de 800 k€ en 2018 et de 1.3M€ en 2022 et de lever progressivement, 500 000 euros tous les 2 ans, en utilisant par exemple des solutions de crowdfunding.
L’honnêteté n’est pas contraire à l’ambition
On a réellement vu une promotion du “Fake it until you make it” dans l’écosystème. Pour ma part, j’ai pris le parti pris d’être honnête sur la situation actuelle tout en restant très ambitieux sur le futur. Dire que tout va exploser sur 5 ans ne va pas t’être reproché et c’est ainsi que tu peux montrer ton ambition. Tu peux très bien être ambitieux (on veut devenir l’Android du vélo) et dire qu’aujourd’hui on est une boite avec des assets intéressants, avec des atouts pour grandir mais qu’on n’est pas encore le standard du vélo.
Etre honnête aujourd’hui et ambitieux dans le futur m’a permis d’être à l’aise, de ne pas avoir l’impression de mentir à mes investisseurs.
Le sport est indispensable dans ma vie de dirigeant
Avant de créer eBikeLabs, c’était dans le sport que j’exprimais mon envie d’aventure et d’intensité. Aujourd’hui, cette intensité je l’ai dans mon travail, et le sport est devenu un élément indispensable à mon équilibre. Je vois plein d’entrepreneurs qui sont en train de se cramer et que tu n’arrives pas à convaincre que c’est vital de prendre du temps pour soi.
Il y a quelques années, je m’imposais un créneau obligatoire de 2h chaque lundi soir avec d’autres entrepreneurs. J’ai également construit un mur d’escalade afin de pouvoir faire du sport de manière immédiate.
Mais désormais chaque vendredi, je vais marcher 4h à la suite. Quand tu es dirigeant, tu as une forte stimulation, constante. Le fait de faire 4 heures de sport à la suite change tout et débloque beaucoup de choses. 1 ou 2 heures, c’était bien pour mon hygiène de vie personnelle mais je suis plutôt timide, réservé, quelqu’un qui encaisse et j’ai besoin d’un temps assez long pour tout faire ressortir.
Aujourd’hui, passer à 4h le vendredi a littéralement changé ma vie. Je suis plus clairvoyant pour mon entreprise et mentalement plus disponible pour ma famille le week-end. Je prends ces 4 heures sur mon temps de travail car je pense à mon job 90% du temps durant ces 4h. Au départ, j’avais un peu de mal à me déculpabiliser vis-à-vis du temps pris au travail. Mais je me rends compte que, en tant que dirigeant, ma responsabilité principale est de rester motivé, mais aussi que mes proches n’aient pas envie que j’arrête."
Mael Bosson