Comprendre et utiliser la méthode OKR

Née dans les années 1950 aux États-Unis, la méthode OKR est utilisée dans de nombreuses entreprises de la Silicon Valley et on la voit tout naturellement fleurir sur Linkedin avec de nombreux posts à son sujet.
Voyons ensemble en quoi elle consiste mais aussi comment la mettre en pratique et dans quel but.


Méthode OKR : la définition

Vous l'aurez compris, OKR, c'est un acronyme :
O = Objectives / Objectifs
KR = Key Results / Résultats clés

La méthode OKR est une méthode de management des entreprises reposant sur deux actions distinctes : la définition d’objectifs et la mesure de résultats clés.
Les objectifs donnent le cap, ils indiquent où l’entreprise souhaite aller.
Les résultats clés permettent de mesurer si elle y est parvenue et, le cas échéant, aident à comprendre pourquoi et comment y remédier.
En somme, il s’agit de définir un objectif majeur, poursuivi par l’ensemble de la société, puis d’élaborer un plan d'actions permettant de l’atteindre.
Ce plan d'action sera ensuite décomposé en plusieurs petites tâches, chacune associée à des objectifs dont les résultats devront être mesurables.
Chaque petite tâche effectuée est une étape-clé qui, articulée avec toutes les autres, permet d’atteindre l’objectif final.

Un peu d’histoire

La méthode OKR a été inventée dans les années 50 par Peter Drucker, le père du management. Il a d’abord appelé ça le Management par Objectifs avant de le nommer méthode OKR. La méthode a ensuite été reprise chez Intel dans les années 70 par Andy Grove, co-fondateur et CEO de l’entreprise. Il l’avait adoptée pour accompagner un changement stratégique de l’entreprise qu’il fallait opérer en conservant l’adhésion des équipes. En 1975, John Doerr, l’un des premiers investisseurs de Google, assiste à une conférence dispensée par Andy Grove au sein d’Intel, au cours de laquelle il présente la théorie des OKR. Séduit par son exposé, John Doerr introduira à son tour cette méthode auprès de Larry Page et Sergey Brin qui décident de l’utiliser chez Google à la fin des années 90. Les OKRs sont, encore aujourd’hui, au cœur du fonctionnement de Google. Depuis, bien d’autres entreprises l’ont intégrée à leur boîte à outils : Twitter, LinkedIn, Zynga, Netflix, Oracle, etc...

OKR, mode d’emploi

Pour mettre en place la méthodologie OKR dans une entreprise, il faut d’abord définir la mission essentielle de l’entreprise. Quel est son objectif, son rôle à jouer, que veut-elle apporter à la société ?
Pour Google, par exemple, Larry Page déclarait en 2006 que cette mission consiste à rendre l’information universellement accessible (elle a certainement évolué depuis). Il convient bien sûr à chaque entreprise de déterminer sa propre mission.
On définit ensuite une stratégie qui va permettre d’accomplir cette mission avec des objectifs intermédiaires attribués à chaque collaborateur, des étapes-clés à valider en cours de route pour s’assurer qu’on reste toujours sur la bonne voie.

Matthieu, qui a travaillé chez Google pendant 10 ans, nous explique : « On responsabilise les équipes au maximum, jusqu’aux niveaux les plus “bas” de l’entreprise. Par exemple, chez Google, qui est une entreprise de plusieurs milliers de salariés, on a l’impression de bosser dans des petites boîtes de 10-15 personnes. Ceci est possible parce qu’au niveau du leadership, on laisse énormément d’autonomie aux équipes. Il est très important que les managers acceptent ce lâcher-prise ». Ces objectifs doivent être assortis de résultats mesurables et chiffrables pour que l’on sache de manière certaine s’ils ont ou non été atteints.

De nouveaux objectifs sont régulièrement définis en fonction des avancées déjà réalisées, des changements à opérer ou des évolutions du marché. À chaque fois, ces objectifs doivent servir la mission générale de l’entreprise. « Il faut assurer un alignement parfait entre la vision et les objectifs clés, qui doivent être déclinés par département, par équipe et par individu. Chaque personne doit participer à la mission commune », précise Matthieu.


4 bonnes raisons d’utiliser la méthode OKR

Le gain de productivité
En permettant à chaque employé de se consacrer à la réalisation d’objectifs précis, servant une stratégie globale, on fait en sorte que chacun soit le plus efficace possible. « Bien que cette métrique soit difficilement mesurable, la méthode OKR permet un gain de productivité au niveau des équipes, qui se sentent plus impliquées, plus motivées, plus responsabilisées. Il y aussi un gain de temps au niveau du suivi de projet, qui est beaucoup léger comparé à une planification traditionnelle », affirme Matthieu. Tout le monde va dans la même direction en se partageant intelligemment le travail et en s’entraidant. Il n’y a pas d’énergie dépensée sur des tâches inutiles ou contre-productives.

Un cap à suivre
La méthode OKR permet de donner un cap, une direction vers laquelle tendre en toutes circonstances. Il s’agit de ne jamais dévier de l’objectif initial. Dans la préface du livre de John Doerr, Measure What Matters : How Google, Bono and the Gates foundation rock the world with OKRs, Larry Page explique que cette méthode a permis à Google de multiplier sa croissance par 10 en les gardant, lui et toute son entreprise, sur la bonne voie au moment où cela comptait le plus.

La question du sens
Les salariés d’aujourd’hui ont besoin de trouver une signification à leur travail. Ils veulent avoir la sensation d’être impliqués dans les décisions prises par leur entreprise, d’être associés à la réalisation de grandes missions. La méthode OKR permet justement d’associer tous les salariés de l’entreprise, de les rassembler autour d’un même objectif, clairement défini et qui a du sens. « Être impliqué dans la recherche de solutions, c’est beaucoup plus motivant que d’appliquer des ordres qu’on ne comprend pas ou auxquels on n’adhère pas », explique Christopher de meilleursagents.com.

La force du collectif
Chaque tâche que l’on vous confie prend soudain tout son sens car elle s’insère dans un but de plus grande envergure, un horizon collectif. Un objectif atteint va s’ajouter à ceux des collaborateurs et c’est la somme de tous ces résultats individuels qui va permettre d’accomplir une mission commune. De plus, pour atteindre un objectif, il est souvent indispensable de collaborer avec d’autres services de l’entreprise. « On offre aux gens les conditions possibles pour collaborer, créer des synergies, mettre en commun leur savoir-faire et ainsi créer une intelligence collective propre à notre entreprise », explique Christopher.


Dans quelles entreprises peut-on mettre en place la méthode OKR ?

La méthode OKR peut s’appliquer partout, que ce soit au sein de grands groupes ou de petites structures. En effet, bien qu’elle ait initialement fait ses preuves chez Intel puis Google, elle est aussi utilisée dans de nombreuses start-ups, même en early stage. Mais pour être mise en place de manière efficace, elle nécessite de la confiance, de la liberté et un goût pour l’innovation. Selon Christopher, « La méthode OKR, c’est plus une question de philosophie qu’une question de taille d’entreprise ou de secteur d’activité, car cette méthode suppose de laisser de l’autonomie aux équipes, de leur faire confiance, de les laisser trouver leurs solutions, sachant que ces solutions ne seront peut-être pas les mêmes que celles que leur manager aurait trouvé ou instauré. S’il n’y a pas un terreau de confiance, d’autonomie et d’innovation, c’est compliqué de mettre des OKR en place. » Sans confiance, la méthode OKR peut même se révéler contre-productive car les objectifs fixés se transforment en ordres donnés, et ne sont donc plus des outils permettant de fixer des priorités mais des moyens de sanctionner les équipes. Cela perd tout son sens et son efficacité.

Quels prérequis pour implanter la méthode OKR ?

Favoriser l’autonomie
Un objectif fixé n’est pas un ordre donné. Les équipes doivent chercher elles-mêmes la solution permettant d’atteindre l’objectif fixé, quitte à aller demander de l’aide à d’autres collaborateurs. « Par exemple, on a demandé à une équipe d’augmenter le nombre de vendeurs qui contactent un agent immobilier. On lui a donné 3 mois pour réaliser cet objectif, avec un chiffre précis à atteindre. On a laissé les membres de l’équipe réfléchir à la façon d’y parvenir en toute autonomie, s’approprier l’objectif et analyser toutes les manières de l’atteindre. Ils sont allés chercher les autres équipes autour d’eux pour trouver des idées supplémentaires permettant d’atteindre leur but. »

Fixer des objectifs ambitieux
Le but de la méthode OKR est d’amener chaque membre de l’équipe à se dépasser. Pour cela, les objectifs fixés doivent être suffisamment ambitieux pour représenter un challenge, sans pour autant être décourageants. Pour Christopher, « la quête d’excellence est toujours au centre de notre stratégie d’entreprise. Le fait de définir des objectifs quasi inatteignables, ça incite les gens à se donner à 100% et à sortir de leur zone de confort. »

Communiquer en permanence
Il est essentiel de communiquer de façon récurrente sur la mission de l’entreprise et sur les objectifs fixés pour l’accomplir. C’est ce qui va permettre aux salariés de ne jamais oublier la raison pour laquelle ils effectuent leurs différentes tâches et de ne pas s’égarer en se concentrant sur des objectifs inutiles. « La communication est un outil essentiel pour donner un sens et favoriser la coopération. Il est très important que tout le monde comprenne clairement la mission définie par l’entreprise. Il faut alors établir un dialogue constant entre le manager et les employés, pour s’assurer que tout le monde reste aligné avec les objectifs et qu’on ne perde pas de vue la mission », précise Matthieu. C’est également ce qui va permettre au top management de suivre ce qui se passe dans l’entreprise tout en laissant beaucoup d’autonomie à ses équipes. Ainsi, la confiance reste intacte.


Méthode OKR : les écueils à éviter


Se fixer trop d’objectifs
En définissant un nombre trop important d’objectifs, on prend le risque de noyer les équipes sous un trop-plein d’informations et de les décourager en leur mettant de la pression. Il faut avoir un champ d’action suffisamment large sans s’éparpiller. Selon Christopher, « les premiers OKR ne doivent pas être trop nombreux car ce sont des outils de décision qui permettent de définir des priorités. S’il y en a trop, on ne sait plus ce qui est prioritaire, on risque de partir dans tous les sens. »

Se projeter à trop long terme
Le risque, c’est de s’enliser dans des projets qui ne fonctionnent pas. Pour Christopher, « c’est un peu le drame des projets qui durent 6 mois ou 1 an. On a tellement investi de temps et d’argent qu’on ne veut plus faire machine arrière, même quand ça ne marche pas. Au début, on se basait sur des périodes de 3 mois, on s’est rendu compte que c’était déjà trop long. Maintenant on se fixe des objectifs toutes les 6 semaines. Ça permet d’être beaucoup plus agile et efficace. »

Détourner la fonction première des OKR en en faisant des outils de sanction
Un objectif non atteint est un indicateur. Ce n’est pas un échec mais une occasion d’apprendre. Si les objectifs se transforment en menaces, il n’y a plus de sens, plus de confiance, mais au contraire de la réticence à relever des défis ambitieux par peur de la sanction. « On valorise l’apprentissage lié à l’échec potentiel plutôt que de sanctionner l’équipe qui n’a pas atteint son objectif. Les objectifs sont des guides, des atouts qui permettent d’aller plus vite et de s’assurer que la direction qu’on prend est la bonne, quitte à en changer si on se rend compte du contraire », explique Christopher.